La Phobie Scolaire racontée par Magalie Le Huche
Date de publication
1er décembre 2021
Temps de lecture
2 minutes
Thématique
Culture & société
Avec la BD Nowhere Girl, Magali Le Huche s’empare d’un sujet sensible, la phobie scolaire, en s’appuyant sur sa propre expérience. Elle raconte son entrée au collège et l’anxiété qui s’est progressivement installée, entre pression des professeur.e.s et puberté naissante. Une période difficile de l’enfance que la découverte des Beatles lui a permis de surmonter.
L’entrée au collège : naissance d’une phobie scolaire
La petite Magali est une jeune fille comme les autres. Elle est gaie, drôle et pétillante. Elle admire beaucoup sa sœur, qui est une très bonne élève. Mais ses résultats à elle ne sont pas excellents. Cette année, elle entre en sixième, et elle est décidée à redoubler d’efforts. Il lui tarde de découvrir le collège.
Les choses ne se passent pourtant pas tout à fait comme prévu. Le passage entre l’école primaire et le collège est plus difficile que ce qu’elle imaginait. Tout s’organise différemment :
- Magali est noyée dans la masse des élèves qu’elle ne connaît pas encore. Les planches qui représentent la foule des enfants se bousculant dans les escaliers sont poignantes. Elles font ressortir la solitude de la jeune héroïne.
- Les codes de conduite ne sont plus les mêmes qu’à l’école. Magali perd ses repères. Elle se retrouve parfois dans des situations humiliantes parce qu’elle applique encore des règles enfantines, comme aller au coin alors qu’un professeur l’exclut du cours par exemple.
- Le rapport aux enseignant.e.s change fondamentalement. Magali souffre d’être brimée par une professeure de français stricte qui la rabaisse injustement.
Le mal-être de l’enfant grandit progressivement. Il se matérialise dans les dessins par un sac à dos qui grossit, grossit, jusqu’à l’écraser complètement. Un matin, elle se met à vomir devant le portail du collège. Impossible d’y retourner par la suite : son ventre se tord avant même de descendre de la voiture de son père. Ses parents s’inquiètent, le médecin l’ausculte et le diagnostic est posé. Magali souffre d’une phobie scolaire.
L’autrice raconte la peur pathologique de l’école avec beaucoup de finesse. On comprend parfaitement le processus qui l’a rendue si anxieuse : la pression de réussir et les humiliations répétées.
La puberté : entre angoisses, honte et colère
Au malaise provoqué par l’entrée au collège s’ajoute celui de la puberté. L’autrice décrit avec beaucoup d’humour cette transition si particulière entre l’enfance et l’adolescence chez une jeune fille. Le corps de Magali change rapidement, et ça l’effraie. Elle n’ose plus se laver parce que voir ses seins naissants et ses jeunes poils pubiens la dégoute. Elle cache ses premières règles en enfouissant ses culottes sales au fond d’un sac dans sa chambre.
Ces épisodes sont à la fois drôles et déroutants. Ils font échos, chez nous lectrices, à des choses bien souvent vécues. C’est pourquoi un tel témoignage débarrassé de toute pudeur fait beaucoup de bien. C’est aussi une manière de questionner notre rapport au corps féminin. Pourquoi la puberté chez une jeune fille provoque-t-elle un tel dégoût ? Par quel sombre mécanisme se met-on dans la tête qu’une vulve est répugnante, ou encore que les règles sont honteuses ? C’est une porte qui s’ouvre sur des problématiques plus profondes, et sur la nécessité d’engager la réflexion.
Une passion salvatrice : les Beatles et leur univers psychédélique
Dans un second temps du récit, Magali découvre les Beatles. Elle développe une passion sans limites qui devient son cocon. La musique l’enveloppe dans un monde qui la rassure. Cet univers se matérialise par des illustrations psychédéliques qui conviennent tout à fait à l’univers du groupe. Les planches sont superbes et très évocatrices.
En outre, l’autrice réussit à dessiner la musique. À chacun des membres des Beatles correspond une couleur vive, et des motifs qui se répètent. De cette manière, les chansons deviennent visuelles. J’ai eu l’impression à plusieurs reprises d’entendre « Sergent Pepper » ou « Hey Jude » alors que je lisais. L’effet fonctionne parfaitement.
Par ailleurs, la passion de Magali lui redonne vie : elle dévore tous les ouvrages sur les Beatles, elle regarde toutes les émissions qui parlent d’eux, elle passe en boucle les cassettes de leurs concerts, elle écoute chacun de leurs morceaux avec une grande concentration et elle connaît sur le bout des doigts chaque étape de leur carrière.
Dans sa tête gronde une véritable tempête d’émotions, de rêves et surtout de chansons des Beatles. Elle aime partager sa passion avec sa famille et ses copines, mais souvent avec un peu trop de ferveur… Cela donne lieu à des scènes à mourir de rire !
La force de cette BD, c’est finalement de traiter un sujet sérieux, la phobie scolaire, avec beaucoup d’humour et sans stéréotype. Magali n’est ni douce, ni passive comme le sont souvent les petites filles dans les histoires, mais espiègle et forte tête. Une lecture vraiment précieuse, que je recommande sans hésiter !
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